A l'attention du Préfet du Pas de Calais
Bournezeau, le 13 juin 2020
Monsieur le Préfet,
Déjà en 2017 nous avons répondu a une consultation publique concernant des battues des renards roux dans le Pas-de-Calais. Notre avis n'a pas changé et nos arguments contre vos arrêtés restent les mêmes:
1. En ce qui concerne les dommages aux activités agricoles, aucune donnée chiffrée des dégâts n’est communiquée. Il a été prouvé que le rôle nuisible du renard en tant que « mangeur de poules » est pratiquement nul, car il ne s’attaque pas aux grands élevages de volailles. Le renard ne s’attaque pas aux agneaux, chevreaux et autres veaux nés dans les prairies non plus. En revanche il joue un rôle d’épuration en dévorant les placentas.
Pour éventuellement prévenir les supposés dégâts causés dans les petits élevages des mesures de prévention efficaces peuvent être mises en place (enterrer la clôture, effarouchement, etc.).
La prévention devrait être prioritaire sur la destruction.
2. En ce qui concerne la surveillance épidémiologique de l’échinococcose alvéolaire : sur la base des données européennes disponibles, le nombre total de patients atteints en Europe est très faible. De plus l'abattage de renards se révèle inefficace et a été contesté scientifiquement depuis longtemps. Selon l'OMS et selon des études européennes et japonaises, le déparasitage des hôtes définitifs sauvages ou errants au moyen d’appâts contenant des anthelminthiques a permis d’obtenir des baisses significatives de la prévalence de l’échinococcose alvéolaire.
Le projet de l’arrêté va donc à l’encontre des données scientifiques et serait contre productif.
3. En ce qui concerne la maladie de Lyme, l'arrêté ne prend pas du tout en compte les résultats récents des études scientifiques qui prouvent que la présence des prédateurs comme les renards et les fouines sont justement bénéfiques pour lutter contre les infections véhiculées par les tiques et donc des infections par la bactérie de Borrelia qui sont à la base de la maladie de Lyme. Aux Pays-Bas on a montré que plus le nombre de renards et de fouines était important, plus le nombre de tiques infectées était faible ! https://www.sciencesetavenir.fr/…/les-renards-une-arme-effi…
Sachant que le nombre de cas de maladie de Lyme chez l'homme est en augmentation en France (https://www.ouest-france.fr/sante/maladies/maladie-de-lyme-le-nombre-de-cas-en-augmentation-en-2016-5835877) , c'est tuer les renards qui posera un danger pour la santé publique au lieu que les renards eux-même poseront un danger à l'homme.
4. On ne mentionne aucune donnée sur le nombre de renards dans votre territoire. Comment peut-on constater une surpopulation sans statistiques correctes et fiables?
Et donc comment justifier un tel régulation illimité, compte tenu des faibles risques spécifiés ci-dessus ? De plus la durabilité et l’efficacité de telles battues par rapport à leur coût sont controversées. D’une manière générale, plus on tue le renard, plus sa démographie augmente : c’est un phénomène naturel de compensation, qui passe notamment par l’apparition de plus grandes portées (2 à 5 renardeaux).
Le renard est un être sensible et comme les mustélidés et les rapaces, a un rôle important dans la nature car il contribue à la régulation des populations de rongeurs. Si le petit gibier disparaît, c’est essentiellement la faute des chasseurs eux-mêmes et d’une urbanisation croissante. Il suffit de rappeler qu’un renard consomme de 6 000 à 10 000 rongeurs par an pour comprendre l’intérêt qu’il représente en tant qu’auxiliaire agricole. Par ailleurs, le renard ne sera jamais en surpopulation car c’est une espèce qui s’autorégule en fonction de la disponibilité en nourriture.
En vue de toutes ces objections et du manque de rationalité, nous sommes de l’avis que cette régulation ne devrait pas être autorisée.
Je vous prie de croire, Monsieur le Préfet, en l'assurance de mes respectueuses salutations.
Marit de Haan
Présidente des associations NALA 85480 et Forests From Farms